Flash back 5 : GESIR

Peut-être que je me serais arrêté là (34 lettres de refus, ça fait tout de même réfléchir !) mais c’est un autre film qui me remet en selle. Un documentaire que je réalise autour de ces années-là (2011-12) sur le thème du lit ! Oui, le lit où l’on naît, où l’on rêve, où l’on aime, où l’on souffre et où l’on voit la mort venir ; ces cinq colonnes du temple que l’on appelle « condition humaine ». Ainsi, immergé jusqu’au cou dans diverses recherches historiques et autres, je tombe sur l’histoire plus ou moins légendaire des Enervés de Jumièges

les Enervés de Jumièges, (tableau d’Evariste Vital-Luminais, 1880, Musée de Rouen)

Les Enervés en question ne sont pas des types qui veulent tout casser, mais, vers l’an 650, deux jeunes héritiers du trône de France à qui l’on aurait sectionné (énervé) les tendons des jambes sous prétexte de haute trahison puis qu’on aurait couchés sur un lit flottant et laissés dériver au fil de la Seine. Quant à Jumièges, c’est le nom de l’abbaye, proche de Rouen, où ils auraient finalement été recueillis par des moines qui en ont fait des saints. Enthousiasmé par ce dernier voyage alité qui illustre si bien un des aspects de mon film, je le conclus par une séquence entière de reconstitution avec lit flottant et comédiens.

image du film « Docteur Alcove et Mr Pieu » (JL Cros-2013)

Pourtant, le film fini, cette histoire continue de me hanter, et de fil en aiguille, démarrant avec le vague projet d’une possible série TV, puis imaginant un scénario de long-métrage, je finis par en faire le sujet de ce qui sera mon deuxième roman.

Changement de perspective sur l’affaire des Enervés de Jumièges, ces deux héros d’une lointaine légende médiévale revisitée par l’auteur… Et si Clotaire et Childéric, les deux princes suppliciés puis abandonnés sur un lit flottant aux caprices du fleuve, étaient l’occasion d’une épopée pleine de rebondissements d’abord, d’une plongée dans un moyen-âge aussi ténébreux qu’illuminé ensuite, et d’une parabole d’actualité enfin, sur l’éternel affrontement entre humanisme et montée du fanatisme religieux ?

Là aussi, une année environ de longues recherches historiques bien sûr, puis de rédaction assidue ; et le texte voit enfin le jour. Alors, incorrigible naïf qui n’a toujours pas compris qu’on ne doit pas écouter les encouragements des amis, nouvel investissement en cartouches d’encre, en reliures, en timbres et cetera, mais avec une différence cette fois : ma liste d’adresses d’éditeurs germanopratins ! L’ayant conservée de la première fois je passe moins de temps à tout expédier.

… De sorte que tout au long de l’été 2013 mes chers destinataires me répondent… Au rythme d’une enveloppe avec joli logo dans ma boite aux lettres tous les deux/trois jours environ… Et tous pour dire la même chose… 22 fois non ! Encore un Goncourt qui s’éloigne…

La déconvenue est moins grande toutefois. Le métier aux trois « R » (Romancier Ringard Refusé) commence sans doute à rentrer. De sorte que le 22eme et dernier râteau reçu (on notera que soucieux de préserver un certain équilibre économique, j’ai, cette fois, sollicité moins de Papes en leurs palais de Saint-Germain des Prés), je m’en retourne vers mon éditeur en ligne et signe pour un deuxième opus en e-book et version papier : https://www.leseditionsdunet.com/roman-historique/2317-gesir-louis-calvel-9782312021980.html

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est gésir-img-685x1024.jpg.

Mais une envie de tirer, sinon vengeance, au moins un plus de de ce moins qui m’a été infligé, me titille. Puisque me voilà condamné aux livres électroniques à triple zéro (zéro refus d’éditeur, zéro frais de publication, mais zéro lecteur) pourquoi ne pas s’en régaler et proposer un e-book qui en soit vraiment un, c’est à dire interactif ! Profitant alors de l’entière liberté qui m’est laissée de concevoir la maquette, je la truffe de liens menant à des extraits de mon film sur le lit ou autres vidéos en relation avec les lieux, l’action, les personnages… Bref, si l’envie l’en prend, le lecteur de cette œuvre aussi médiévale que révolutionnaire peut encore aujourd’hui naviguer à sa guise entre mots et images, légende et vérité historique, livre et film…

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est qr-code-669x1024.jpg.
Même en version papier, on peut accéder aux suppléments vidéo; il suffit d’un smartphone et d’un lecteur de QR codes.

Flash back 4 : UN FILM DE FAMILLE

L’idée part d’un festival de documentaires. De documentaires sur la famille, pour être précis. A l’invitation des organisateurs, j’y présente Fils du Siècle, un film consacré à quelqu’un à qui je dois beaucoup : mon père ; mais là n’est pas le sujet. En effet, le visionnage à haute dose durant un week-end de plusieurs approches de ce thème aussi foisonnant que rempli de poncifs : « famille, je te hais! », « famille, tu es la plus belle ! », « famille, je t’interrogerai toute ma vie… », me fait venir l’idée d’un roman qui raconterait l’histoire d’un documentariste pris dans ce piège.

Partant de là, une bonne grosse année d’écriture, de liberté créatrice et de jubilation -« Se consacrer enfin exclusivement à ce vieil ami : le stylo! »- me fait traverser cette année 2010-11 sur un petit nuage.

Olivier aime les caméras et voudrait réaliser des documentaires sincères et engagés ; mais, provincial et un brin sauvage, il végète dans son coin. Maud, sa jeune amoureuse -dont l’oncle est un influent personnage- pense l’aider en le poussant à tourner le film de famille qui sera projeté lors de la prochaine fête des soixante ans de mariage de ses grands-parents. Malgré ses réticences à effectuer une commande aussi peu glorieuse, Olivier finit par accepter … Mais mal lui en prend, car, bien vite, d’enfants cachés en doubles vies, les secrets de la grande caste bourgeoise d’où est issue sa petite amie le plongent dans un imbroglio catastrophique qui dépasse de loin tout ce à quoi il s’attendait …

Et puis, parvenu au bout du récit, gonflé à bloc par les encouragements de quelques amis à qui je fais lire le manuscrit : l’un d’entre eux me dit même qu’il est fier d’avoir lu le prochain Goncourt !!! (Sacré Hervé! En matière d’écriture, ne jamais croire les amis, même s’ils ne s’appellent pas Hervé…) je me lance dans un vaste programme d’impressions et de reliure, puis j’achète des enveloppes grand format et engloutis pour finir un budget certain en frais d’expédition (messieurs Grasset, Belin, Stock et consorts n’acceptent que les manuscrits papier).

L’attribut alt de cette image est vide, son nom de fichier est lettres-1024x578.jpg.

Résultat des courses : 34 lettres de refus ! Cette année 2011 m’aura vu passer du statut de futur Goncourt à celui de loser décomposé… Heureusement j’avais pris la précaution d’écrire sous un pseudo… Louis Calvel, c’était.

Alors, avalée la pilule et ravalé l’égo, un article de l’Obs me redonne une lueur d’espoir un jour de printemps en évoquant la révolution à venir des e-books et autres liseuses « Après la musique et le cinéma, le livre se convertit au numérique » dit le chapeau. Je me mets alors en quête d’un de ces éditeurs branchés en ligne et finis par signer en 2012 avec Syllabaire Editions (qui changera malheureusement vite de politique et ne publiera plus que des livres de cuisine)…

… Puis, en 2014, avec les Editions du Net où ce texte est toujours disponible en version papier et électronique : https://www.leseditionsdunet.com/roman/2260-un-film-de-famille-louis-calvel-9782312027661.html

Flash back 3 : docus

Enfin : le documentaire. Du début des années 1990 à aujourd’hui, j’en ai réalisé beaucoup (une trentaine? Plus? J’aime mieux ne pas compter); aussi bien pour la TV éducative où j’ai passé la quasi-totalité de ma vie professionnelle, qu’en qualité d’auteur indépendant pour diverses chaines. Et j’ai trouvé là un extraordinaire outil de rencontre avec le monde…

Tournage des « Dé-tracteurs » (2009). Je suis de dos, à gauche, à côté de mon cher Jean-Paul, qui a cadré tant de nos aventures en France et dans le monde…

Pourtant ce qu’on ne dit pas assez c’est qu’un documentaire c’est aussi un travail d’auteur. Cohérence du sujet bien sûr, rythme, montage; et évidemment : commentaires. Or les miens devaient avoir une certaine tonalité car plusieurs fois on m’en a fait l’éloge ; au point qu’un soir même, un spectateur m’a dit à l’issue d’une projection : « Monsieur, vous n’êtes pas un cinéaste, vous êtes un écrivain ! » Etais-je mûr?

Flash back 2 : critiques de films

Une autre de mes écoles d’écriture a été, dans les années 1975-85 mon activité de critique à La Revue du Cinéma-Image et Son, mensuel aujourd’hui disparu mais qui a eu son importance autour de 1960/90.

Et là ce n’est plus le même exercice qu’écrire un scénario ! Fournir à un rythme soutenu des textes calibrés, documentés, clairs, argumentés et exprimant un point de vue tout en essayant de rester élégants ne laisse guère le loisir d’attendre l’inspiration… Quand faut y aller, faut y aller!

Flash back 1 : aux origines

Tout a commencé il y a longtemps. Dans les années 1970, j’avais un peu plus de 20 ans, et j’ai écrit La Glissade. Je me souviens seulement du titre et de l’avoir envoyé sans complexes à Roger Grenier, chez Gallimard. Le pire est qu’il m’a répondu personnellement une lettre manuscrite dans laquelle il me conseillait… « de ne pas me décourager ». Saint homme !

Puis est venue la frénésie des scénarii de films, courts ou longs-métrages (une bonne trentaine). Certains ont atteint le grand ou le petit écran, beaucoup n’ont connu d’autre destinée que les cartons où ils dorment dans le grenier ; mais tous ont au moins eu l’avantage que l’encre de ma plume ne s’est ainsi jamais desséchée.

20 Novembre 2019, 11:00, 13, rue de l’Ecole Polytechnique, Paris 6ème…

… J’ai rendez vous avec Cloé, attachée de presse chez l’Harmattan, qui me remet les exemplaires de mon roman 2.0 Une taupe @ l’OEil -Doux. Des années que je travaille dessus et ça y est, enfin il existe ! J’en ai une boule au ventre. Je prends un exemplaire, le feuillette, jette un coup d’oeil à la quatrième de couv… Oui, tout est bien là. En remerciant Cloé avant de repartir, je me souviens que dans ses mails, elle m’appelle « cher auteur » ; ce n’est qu’un début mais nous voilà donc au moins deux à me prendre pour un écrivain…