Version 1, ça commence mal. Après avoir visionné le début, mon frère m’écrit:
« Je te confirme que la quête de cette pauvre mère de famille ne me parle pas du tout. Même si elle, elle parle beaucoup et comme un livre!…
Elle me reste étrangère et sa recherche du curé m’apparait comme tout à fait artificielle. Je ne parviens décidément pas à m’y intéresser.
Je l’impression de ne rien avoir pour m’attacher à elle, je ne la connais pas, elle m’apparait comme un instrument au service de ton discours (intrigue et thèse défendue) sans vraiment exister pour elle même ».
Version 2, après réécriture complète et réenregistrement d’une voix off, moins « surplombante », plus près du vécu de l’héroïne pour que le spectateur ne se sente plus étranger à sa quête, je fais visionner à quelques membres de l’équipe et autres proches. Myriam (habilleuse, maquilleuse, coiffeuse du film) me répond:
« J’adore le début avec le jeu radio-tiroir-son-
Je trouve que le son de la voix de Pascale, « regarde une lettre … » est trop bas.
De manière générale, je trouve qu’il faut beaucoup de concentration pour tout emmagasiner, surtout la voix off souvent trop rapide à mon goût.«
Version 3, nouvelle suppression de passages de voix off encore trop littéraires et surtout ajout de quelques spots publicitaires d’époque. Une manière de revenir au regard sur la féminité de ces années-là et d’ajouter un zeste de documentaire dans cette fiction. Ferdinand, mon fils et futur compositeur de la musique y va de son commentaire avant de se poser devant son clavier
« Coucou papa je viens de finir de regarder « la lettre ».
C’est cool ! Bravo ! Je trouve déjà que c’est mieux réussi techniquement. Les plans sont beaux, l’histoire est plus limpide à comprendre.
Dans ce sens c’est agréable à regarder. Cela dit je trouve que globalement les enjeux narratifs me mettent difficilement en haleine durant tout le long du film.
Mais c’est peut être parceque j’avais lu le scénario ! C’est une bonne idée aussi d’avoir entrecoupé les séquences avec quelques pub de l’époque. On voit bien que tu portes un regard critique. Ça remet bien en perspective comment la femme était perçue.«
Version 4, ajout de la musique. Mon vieux pote Hervé, réalisateur lui aussi, fait partie de mes spectateurs-test depuis toujours et me donne la sensation qu’on approche du but:
« Je viens de revoir La Lettre, version 4. J’ai apprécié les modifications. Il me semble que les premières images avec personnages figés et son off, passent beaucoup mieux. Je n’ai pas eu la même gêne que la première fois. Les inserts des publicités sont les bienvenus. Ils donnent une touche d’humour, permettent une certaine distance par rapport au propos, l’inscrivent parfaitement dans son contexte historique, culturel, idéologique. Juste un petit détail : j’ai eu l’impression que la musique était un peu trop forte sur le générique de début par rapport aux sons qui précèdent et qui suivent. Cela vient peut-être de mon ordinateur et de mes hauts parleurs très médiocres ! J’ai dû baisser le son et ensuite le remettre plus fort pour entendre la suite. L’ensemble est convaincant. »
Version 5, ma fille Faustine et Marie-Claire, la femme de Jean-Paul, chef op du film, sont passées par là pour trouver l’ensemble « très chouette » mais un peu « lent » ou « mou » par endroits. J’ai donc resserré les boulons, supprimé encore quelques passages trop explicatifs au profit d’ellipses… « Faire confiance au spectateur » disait l’autre… et voilà. Est-ce que ce Numéro 5 me portera autant chance qu’à un célèbre parfumeur?